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«Tout le monde veut aller au même endroit»

18.09.2019

Selon Jürg Stettler, chercheur en tourisme à Lucerne, la croissance des marchés asiatiques, les réseaux sociaux et le comportement caractéristique des touristes sont à l’origine du tourisme de masse.

Jürg Stettler est professeur à la Haute école universitaire de Lucerne. Il y dirige l’institut pour le secteur du tourisme.

«Revue Suisse»: Jürg Stettler, assiste-t-on à un phénomène de «surtourisme» en Suisse?

Jürg Stettler: À certains endroits, l’évolution est similaire à celle qu’ont connue des villes souvent citées en exemple comme Venise, Barcelone ou Amsterdam, mais dans une moindre mesure. Il n’existe néanmoins pas de seuil objectif en la matière. Nous pouvons mesurer des indicateurs, comme le nombre de touristes proportionnellement à la population. Le moment où la limite est dépassée dépend toutefois de la perspective et relève de la perception subjective. Les habitants de Lucerne et d’Interlaken affirment ne plus reconnaître leur ville. Dans le même temps, les vendeurs de souvenirs se réjouissent de l’afflux de touristes.

Foule abondante, diminution des logements vacants, boutiques de souvenirs partout: ne s’agit-il pas là des symptômes de «surtourisme»?

Ce sont des critères, oui, mais ils sont aussi perçus différemment. Et les villes n’ont pas un problème de «surtourisme» généralisé. J’étais l’été dernier à Venise pour une conférence. Venise à la haute saison? À en croire les médias, c’est un cauchemar. Et effectivement, certains lieux étaient parfois bondés. Pourtant, ma surprise a été de trouver des petites places désertes, à quelques centaines de mètres des hauts lieux touristiques.

Les médias exagèrent-ils avec le «surtourisme»?

Non, mais ils prennent souvent des raccourcis et ne se basent pas assez sur des faits. Il nous manque des données pour effectuer une évaluation fondée. Je ne veux pas minimiser le phénomène, mais juste élargir l’angle de vue.

Quelles sont les causes du tourisme de masse?

La première, ce sont les flux touristiques croissants à l’échelle mondiale. Sur les grands marchés chinois et indien, de plus en plus de personnes peuvent se permettre de voyager. La deuxième, c’est que tout le monde veut aller au même endroit. Ce n’est pas un comportement nouveau, les Suisses font la même chose, mais la quantité peut devenir un problème. La troisième cause réside dans les réseaux sociaux. Les touristes partagent leurs pérégrinations en photos sur Instagram, les bloggeurs publient des listes d’endroits incontournables. Conséquence: de plus en plus de gens y vont.

Entrées payantes, parkings plus chers pour les cars, gestion des flux de touristes, limitation des offres Airbnb: quelles sont les mesures efficaces?

Dans les villes historiques, de nombreuses mesures ne sont pas réalisables ou ont un effet limité. Chaque destination doit plutôt se faire une idée du tourisme qu’elle souhaite avoir. Et tous les acteurs doivent être impliqués dans cette réflexion pour qu’ils tirent tous à la même corde. Le directeur du tourisme de Lucerne peut miser sur une offre de qualité autant qu’il veut, mais si un chemin de fer de montagne ou un bijoutier signe tout de même des contrats avantageux avec des tour-opérateurs chinois qui visent la quantité, la situation n’est pas près de changer. Il n’est pas facile de gérer les groupes d’intérêts, mais je ne vois pas d’alternative. Sinon, des voix s’élèveront tôt ou tard contre le tourisme, tant au sein de la population que du côté des politiques. Avec pour conséquence des décisions trop drastiques, comme l’interdiction d’Airbnb.

Quelle destination épargnée par l’afflux de touristes recommandez-vous aux Suissesses et aux Suisses de l’étranger qui souhaitent passer leurs vacances ici?

Tous les lieux accessibles uniquement à pied ou à vélo: la probabilité d’y découvrir une perle cachée à certaines heures de la journée est grande. C’est le cas de Fräkmüntegg sur le mont Pilate, entre les cantons de Lucerne et de Nidwald. S’y rendre avant le coucher du soleil, c’est être certain de pouvoir savourer le calme et la vue. Mais surtout, évitez de poster vos photos sur Instagram!

Lire la suite:  Des masses de touristes en montagne et au bord des lacs

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